L'oiseau de
bonheur |
L'essai
du Choucas
Septembre 2002 Installé dans l'habitacle du Choucas, j'ai su que j'étais piégé. C'est ce qu'il me faillait! Bien sûr, le fait qu'avec quelques aménagements, mon double mètre puisse être confortablement installé n'était pas étranger au coup de foudre, mais il se dégageait un bon feeling, le juste dosage d'un appareil permettant le vol à voile comme le voyage. Avec honnêteté, Claude Noin, expliqua qu'une aile volante n'était pas tout à fait conventionnelle et qu'un essai en vol du proto était indispensable avant de s'engager. Dès que Bertrand Marsac fut lâché sur son n°1 et la GV effectuée, Denis et moi-même se hâtèrent vers Tallard. Cet essai est différent de ceux effectué par les revues
spécialisées, ce ne sont que les impressions d'un pilote lambda. On se
souviendra que le proto construit en verre est plus lourd que les nouveaux
Choucas mais bénéficie des tolérances de l'ancienne réglementation ULM avec
un poids en charge de 530kg.
Avril 2003
Premier vol dans des conditions plutôt moyennes. Excellente visibilité au roulage. A la charge maxi, le décollage se fait facilement avec un roulage court Après un palier de prise de vitesse, le petit Rotax 503 nous monte à 2,5m/s. On prospecte à la recherche d'ascendances et je commence à tâter les commandes. Le cockpit est prévu en principe pour piloter de la place droite. Cela surprend les habitués de l'avion mais c'est en fait c'est très logique pour un motoplaneur avec le manche à main droite, les gaz ou la commande d'aéro-freins à main gauche. |
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Première surprise, alors que je craignais une excessive sensibilité de la profondeur, celle-ci réagit tout à fait comme sur n'importe quel appareil. J'enroule une première pompe. Sans être un chasseur, la maniabilité en roulis n'est pas mauvaise et, grâce à l'anti-tab, les efforts au manche sont faibles. La direction est efficace et il est facile de centrer la bille. Par contre, les efforts aux pieds sont durs et les commandes ne sont pas homogènes. Après quelques tentatives, j'arrive à centrer une ascendance et on peut couper le moteur. Je comprends vite que le Choucas est un oiseau: moins on touche le manche, mieux il vole! La stabilité en spirale est parfaite et il est amusant de voir l'aile basse reculer par rapport au sol! Il suffit d'ouvrir ou de resserrer pour se centrer. Curieusement, la profondeur transmet un buffeting désagréable en dessous de 95 km/h. Une fois au plafond, on transite vers une autre ascendance. Le proto n'est équipé que d'une hélice fixe qui continue de mouliner en le freinant sensiblement. Après 1h30 de ce petit jeu, je me souviens que Denis doit attendre son tour avec impatience et on retourne à regret au terrain. Essai d'aéro-freins, ceux-ci sont sur le proto de simples spoilers et, aux forts angles d'incidence, sont un peu masqués par l'aile et manquent un peu de mordant. L'atterrissage ne semble pas poser de problème, les freins étant en bout de course de leur commande, attention à ne pas toucher tous AF sortis… Denis est tout aussi conquis que moi et, comme Bertrand ne semblait pas décidé à vendre son proto, nous décidâmes immédiatement de commander un kit. Juillet 2003
Les Choucas suivants doivent bénéficier de quelques améliorations qui corrigeront les petits défauts inhérents à un proto: -Aéro-freins plus efficaces. Merci pour les terrains courts. -Direction de corde réduite et compensée pour réduire les efforts au palonnier. Elle carène la roulette de queue. -Ailerons agrandis. Un peu plus de nervosité dans les changements de sens de spirale. Fuselage carbone, ailes allongées, hélice repliable sont des options possibles selon son programme et permettront d'améliorer sensiblement la finesse de l'appareil mais, tel qu'il est, il accroche déjà bien, ce qui est l'essentiel. Restait à corriger le buffeting de profondeur qui, selon Claude Noin, provenait du rétrécissement du fuselage au bord de fuite de l'aile et des fences furent donc essayées à ras de la profondeur. Cette, fois, l'ami Michel, constructeur d'un de mes catamaran de 10m et compagnon fidèle dans la quête d'un motoplaneur, m'accompagne. Tempête de ciel bleu, thermique pur haché avec de fortes turbulences. Dés le bout du terrain la première pompe fut la bonne et on se fait un plafond à 2800m vario bloqué. Une fois centré à 90km/h, le Choucas monte tout seul. Après, il suffisait de se promener en enroulant ce qui se présentait. Essai de basse vitesse, le buffeting n'apparaît maintenant que vers 80km/h, ce qui est de toute façon trop lent, coup d'œil dans le hublot et les brins de laine confirment, décrochés prés du fuselage, laminaires à la profondeur. Gagné! Il ne reste qu'à optimiser la forme des fences. |
Le comportement dans ces fortes turbulences est étonnant pour une machine aussi légère. On se sent tout à fait comme dans un planeur et non secoué comme dans un ULM. Il semble que l'effilement des ailes et l'absence d'empennage horizontale rendent le Choucas moins sensible aux rafales. A nouveau, il ne faut pas essayer de corriger les variations d'assiette au manche, le profil autostable de l'aile volante montre toute son efficacité et le Choucas s'en sort très bien tout seul! C'est la canicule en France et cela permet d'apprécier la visière de verrière. Elle ne gêne absolument pas la visibilité, parfaite en vol à voile, et protège des ardeurs du soleil, indispensable en voyage. Retour au terrain après 1h30 pour passer le manche à Michel. Septembre 2003
Quelques centaines de grammes de plomb sur la roulette de queue vont
permettre d'affiner le centrage jugé un soupçon trop avant. Après cet été torride, la masse d'air est homogène, sans ascendance, sans vent. Idéal pour goûter une autre facette du Choucas, la ballade au moteur dans ces magnifiques montagnes. 130km/h en croisière rapide, 110km/h pour musarder. On apprécie les vide-poches d'emplantures d'ailes qui permettent de ranger cartes et autres casques. |
Le long d'une pente un peu réchauffée par le soleil, j'enroule une des
rares ascendances, très étroite, et suis étonné de voir que le Choucas permet
de virer plus serré qu'un standard! Pour la première fois que l'on n'a pas de turbulences, on peut
vérifier les paramètres. Un poil trop de plomb dans la queue en palier. Essai de décrochage, le Choucas parachute tranquillement sans abattre!
Le contrôle reste facile et il paraît qu'il n'a jamais été possible de le
mettre en vrille! Encore 1h30 de vol, cette fois un joli trimaran de 15m m'attend, dur
métier! Avril 2004
Un décollage un peu tardif nous prive des cumulus qui commencent à
s'effondrer. Bon prétexte pour aller faire du tourisme vers ces montagnes
encore enneigées dont les photos de Bertrand m'ont fait rêver tout l'hiver. Bertrand est tout fier de montrer son nouveau GPS. L'affichage, très
complet, comprend même un horizon artificiel! Cela pourrait être précieux si
l'on a la bêtise de se faire piéger par la visibilité. On coupe le moteur pour revenir au terrain en planant. Surprise, une
restitution nous permet de nous maintenir et nous prolongeons le plaisir par
quelques spirales. Et ce n'est qu'à la pleine lune que nous nous posons, juste avant la
nuit aéronautique! 1h30 de Choucas de plus pour garder la motivation pendant
la construction! |
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Octobre 2004
J'avais hâte de retrouver Tallard pour essayer les dernières
nouveautés de l'été. J'ai tout d'abord pu admirer l'appareil de Luc, le premier Choucas
terminé à partir d'un kit. Encore un peu de travail pour mettre au point le l'HKS mais la cellule vole parfaitement avec les
améliorations escomptées sur les ailerons, les rallonges d'ailes et la
direction. Cela donne du courage pour sa construction! Je découvre au parking cette fameuse hélice bec de canard repliée sur
l'avant du proto de Bertrand. Sa mécanique est d'une grande simplicité. La
météo étant incertaine, on assure avec un petit vol d'essai le matin. Dés que le démarreur entraîne l'hélice, la force
centrifuge la déploie sans à coup. Montée à 2500m puis on coupe le moteur,
l'hélice se replie instantanément à 100km/h sans aucune intervention du
pilote, sans manette, sans électricité! Le temps est assez haché, la seule pompe possible se trouvant
malheureusement au dessus du terrain. J'en profite
donc pour essayer les nouveaux aéro-freins. Les
spoilers étaient à l'origine un peu insuffisants à basse vitesse. Après
quelques tâtonnements, ils ont été agrandis et percés pour limiter le couple
piqueur. A 100km/h on chute à 4,5m/s sans couple gênant aux différents crans.
La modification est donc satisfaisante. Comme ce système est le plus simple
et léger, il sera repris pour notre Choucas. |
Un rayon de soleil nous donne un peu d'espoir pour l'après-midi et je
vais passer une heure à gratter la seule pente exploitable. Excellentes sensations hélice repliée. Elle est masquée par le capot,
on n'a plus ces agaçantes pales tournant devant soi, le brin de laine n'est
plus perturbé et on retrouve le silence d'un vrai planeur plastique. Difficile d'estimer le gain apporté au taux de chute mini mais, comme
on arrive à gagner quelques centaines de mètres dans ce petit temps,
Bertrand, plus habitué à sa machine, pense que l'on aurait eu du mal à se
maintenir avec l'hélice fixe. En revanche, il n'y a pas besoin de variomètre pour constater le gros
progrès en transition. Avec l'hélice fixe, il fallait pousser sur le manche
pour accélérer, maintenant le Choucas ne demande qu'à aller vite avec une
assiette nettement moins piquée. Plus on va vite, plus le gain est sensible.
Normal, une mesure montre qu'au moteur, l'hélice commence à freiner en
dessous de 4000t/mn! Le gain sera d'autant plus sensible que le capot moteur
sera bien profilé. La polaire est devenue beaucoup plus plate, 3 points de finesse sont
certainement gagnés avec 10km/h de plus. Bien sûr, cela ne transforme pas le
Choucas en Nimbus mais ses performances semblent maintenant assez proches
d'un ASK 13. Plus que satisfaisant pour un motoplaneur
ULM. Dés le redémarrage, l'hélice se déploie immédiatement. Si par malheur, le
moteur refusait de redémarrer, le Choucas garderait sa finesse de planeur. Cette hélice est un vrai succès et il ne reste plus à Claude Noin qu'à la commercialiser! |
En cette fin de saison, le lendemain était très calme. Bon, on va
travailler! Bertrand me fait la confiance d'effectuer le décollage. La profondeur
est très efficace dés le début et je marsouine un
peu pour mettre en ligne de vol. On monte à 2700m pour prendre quelques mesures. A la montre et à
l'altimètre, je vérifie le taux de chute et le GPS nous indique que le badin
est un peu pessimiste. Les performances des planeurs sont très difficiles à
contrôler mais les premiers chiffres semblent nous confirmer que la finesse
max est maintenant à une vitesse plus rapide qu'on le pensait. De quoi occuper Bertrand tout l'hiver à étalonner ses instruments et
nous produire une belle polaire! Grâce aux aéro-freins agrandis, la pente en
finale à 100km/h est moins plate qu'auparavant. Trop habitué au Skyranger, qui est mon actuellement mon ordinaire,
j'arrondis trop haut et trop franchement, la profondeur m'ayant à nouveau
surpris par son efficacité aux basses vitesses. Encore 4h d'ajoutés à ma connaissance du Choucas. Outre le plaisir, ce
sera précieux car il faudra bien envisager
le premier vol un jour. Novembre 2004
Visite historique à double titre. Nous étions venus chercher notre kit
et ce fut la première occasion de voler en patrouille avec les deux Choucas. Plus léger et plus puissant que le proto, l'appareil de Luc monte très
bien au décollage. La direction compensée est moins dure au pied et malgré
l'augmentation de l'envergure, les ailerons agrandis sont plus mordants. Il
faudra attendre de le voir muni de son hélice repliable pour vérifier sa
finesse mais il semble bien que l'allongement supérieur des ailes et les winglets portent leurs fruits. Reste encore à terminer la
mise au point du HKS. |
Denis, qui n'avait pas volé sur le Choucas depuis la commande du kit,
fait le premier vol sur le proto. Il en revient enchanté par toutes les
améliorations apportées par Bertrand. Pour ma part, je continue mon apprentissage du volatile. Le roulage
est facile quand on a l'habitude de 15m d'envergure mais les palonniers sont
durs, ce qui nuit à la précision et doit muscler les mollets par vent de
travers! Heureusement, cela a été complètement résolu avec la nouvelle
gouverne compensée qui démontre une maniabilité étonnante. Cette fois, je ne suis plus surpris par l'efficacité de la profondeur
et le décollage se fait en douceur. En cette fin d'automne, il n'y a rien à trouver aussi on monte
tranquillement à 2500m pour revenir au terrain en plané. C'est un plaisir de
voir l'amélioration de finesse en transition et, comme on a de la hauteur à
perdre, on tâte de la VNE. Cette fois, avec la vitesse qui va bien en finale, mon atterrissage
est meilleur. L'arrondi est peu marqué, on met plutôt gentiment l'appareil en
ligne de vol qui touche doucement. D'après Bertrand, l'amélioration des aéro-freins a supprimé le petit rebond. Il semble facile
à contrôler pour un train classique, reste à voir cela avec plus de vent… Octobre 2006
Je profite du stage Diatex
pour aller visiter mes amis de Tallard. Bertrand continue d'améliorer le
proto. Cette fois il a une nouvelle hélice Duc plus étroite. Le décollage est un peu plus long mais la vitesse de croisière est
nettement améliorée. Nous montons jusqu'au plafond et il semble que le taux
de montée soit également amélioré en altitude. Nous coupons le moteur pour glisser tranquillement
vers Tallard puis redémarrons pour remonter vers Serre-Ponçon. Les conditions
très calmes nous permettent de vérifier 23/24 de finesse à 90km/h et un taux
de chute d'environ 2m/s à 120km/h. Merci à l'hélice repliable bien cachée
derrière le capot.
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Cette ballade paisible de 2h dans ces superbes montagnes s'est
effectuée moteur coupé pendant 1h. Les planeurs étaient au sol et tout autre
ULM aurait consommé le double. Génial le motoplaneur
pour les vols de plaisance! Juillet 2007
Le ciel couvert se dégage en fin d'après-midi. On prospecte
tranquillement et un thermique haché par le vent commence à se faire sentir
par quelques turbulences. Le dynamique sur les
pentes ne donne rien de convaincant. Finalement, le soleil réchauffant un peu
le sol, j'arrive à trouver quelques pompes qui nous permettent de couper le
moteur. Je m'acharne à essayer de centrer tout cela pendant une heure avec
quelques pointes de 3 ou 4m/s. Avec un planeur standard, cela aurait été
retour au terrain au bout d'un quart d'heure après un coûteux remorquage. La
recherche des ascendances au moteur permet sans aucun doute de mieux
connaître l'aérologie de son local. |
Septembre 2009
Je profite d'un retour du salon de Cannes pour me faire une piqûre de
rappel sur le Choucas. Il commençait à sérieusement me manquer et j'étais à
cours d'entraînement. C'est malheureusement le lot du constructeur amateur,
il faut choisir entre avancer sur l'appareil ou voler. Conditions pas terribles, après être monté au
plafond, pas très haut ce jour-là, j'arrive quand même à me maintenir en me
bagarrant plus d'une heure moteur coupé et la vie est bien belle en l'air!
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La visite rituelle chez Alpaéro
m'a permis de récupérer la superbe hélice repliable.
Juin 2010
Cela bouge à Tallard ! Mon ami Michel fignole
le montage d'un Briggs & Stratton dans son Exel tandis que Claude cogite rien de moins que sur un Exel solaire et un Choucas à pile à combustible!
Pour une fois, j'ai du temps, ce qui me permet de profiter à fond de la pré-vol rigoureuse de Bertrand. |
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Sans être exceptionnelles, les conditions vont me permettre de bien
travailler. Juste 15mn de ce bon vieux 503 me font enrouler une ascendance un
peu étroite et dure à centrer puis les choses s'améliorent petit à petit en
montant. Deux heures de vrai vol à voile au plafond à 2600m, se promenant
d'un nuage à l'autre. De retour à Tallard on avait encore plus de 1500m sous
la quille! La promesse d'une bonne soirée entre amis nous a contraint de
descendre mais on aurait pu tenir quelques heures de plus sans problème! Juillet 2011
Après un quart d’heure de montée j’arrive à
accrocher une pompe. Je me bagarre pendant 1h30 pour rester en l’air de nuage
en nuage hélice callée. Je me trouve mauvais mais Philippe Noin en vol avec le Choucas de Jean-Luc m’a assuré à
l’apéro qu’il avait également trouvé les conditions pas faciles !
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Septembre 2012 Encore un prétexte professionnel dans le sud pour garder la
main ! Arrivé tôt, j’en profite pour faire un petit vol de prospection avant
le resto. L’après-midi, les conditions ne sont pas si fameuses, juste un planeur
aperçu en vol, mais le motoplaneur permet d’aller
fureter vers Sisteron pour changer. On coupe le moteur ce qui permet de
travailler sur la pente. La conception d'une aile volante n'est pas chose facile, tous les
paramètres doivent être corrects pour obtenir de bonnes qualités de vol.
C'est réussi sur le Choucas, bravo Claude Noin. Moi, je suis heureux, j'ai trouvé mon oiseau de bonheur! |